Une grande mercie à Seshat pour noues avoir soumis son texte!
Comme à chaque fois que je m’approche un tant soit peu de la question de genre, j’ai comme l’impression de marcher sur des œufs. Cependant, certains idéaux me font dresser les poils sur la tête, alors je consens à nouveau à aborder le sujet. La question m‘avait trituré le cerveau le temps d’un article, ou je donnais mon avis quant à la multiplication des reportages et des témoignages de petits garçons se sentant filles. Aujourd’hui, je donne mon avis sur la théorie queer.
Pourquoi je suis une femme
Je suis née de sexe féminin, depuis toute petite je suis rangée de ce côté du monde, celui de la moitié de la population traitée comme une minorité. Bien au chaud dans mon bas-ventre se trouve un organe qui se rappelle à mon bon souvenir tous les mois. C’est aussi lui qui me donne la possibilité de fabriquer un être humain si l’option me séduit. Mon corps, mon apparence physique, ma vulve font de moi une proie potentielle pour tous les porteurs de couilles du monde. Toutes ces caractéristiques impliquent que lorsque je suis isolée je me sens en danger et quand je sors de chez moi je reste sur mes gardes.
Petite fille, j’ai dû porter du rose, jouer à la poupée et avec un aspirateur factice. Jeune fille, j’ai fait mon possible pour me rendre agréable au regard masculin. Adulte, j’ai fait la guerre à mes poils, à mon corps, à ma nature pour être socialement acceptable. Je me suis mise en ménage et j’ai accompli mon lot de tâches ménagères plus les siennes. J’ai géré ma maisonnée d’une main de maitresse. J’ai cédé à des avances quand le désir était absent parce qu’il était mon conjoint. J’ai dû faire avec parce que c’était comme ça. Je me suis mariée, j’ai été dissoute dans la communauté, je suis devenue sienne, j’ai changé d’identité et je lui ai “donné” des enfants qui portent son nom. Alors qu’ils sortent de mon utérus et que je porte encore les stigmates de mes grossesses, je dois montrer mon livret de famille pour prouver que je suis leur mère.
Des hommes se permettent de m’interpeler, de me toucher ou de m’importuner parce que je suis un individu de sexe féminin. Des hommes peuvent décider que je ne suis pas digne d’être écoutée ou que je n’ai pas le droit de m’exprimer simplement parce que je suis une femme.
Pourquoi je ne suis pas non binaire
Plus j’avance dans le féminisme, plus je me radicalise, plus je rejette un certain nombre de codes prescrits à mon sexe. Je découvre l’immensité des oppressions, des injustices et des exploitations qu’ont subi et subissent encore des générations de femmes à travers le monde. Je découvre que si j’étais née en inde ou en Chine j’aurais pu être avortée ou morte dans une poubelle quelques heures après ma naissance. J’apprends que si j’étais née il y a quelques dizaines d’années, je n’aurais jamais su ni lire ni écrire. Et bien d’autres choses…
Avec tout ça, dans le même gros panier de saleté, je découvre les attitudes que l’on attend de moi. Avant je m’y prêtais sans trop de résistance, désormais je les comprends pour ce qu’elles sont : des injonctions qui ne laissent pas la place à la personne que je suis. Alors que l’on attend des femmes qu’elles soient féminines, tout en étant femme, je déteste le maquillage, je supporte mal les tenues destinées à mon sexe. De même, je n’ai pas envie de m’effacer, je n’attends pas après untel pour être sauvée, pour descendre mes poubelles, installer mes étagères ou ouvrir un pot de cornichons. Je n’aime pas me taire quand j’ai raison et j’aime bien que tout le monde le sache quand c’est le cas… J’aligne ici les clichés mais je pense que vous êtes capable de saisir ou je veux en venir.
A la lumière de tous ces stéréotypes admis comme étant l’expression d’une vérité, on pourrait tout à fait me ranger dans la catégorie des non binaires. En effet, je cumule des caractéristiques féminines et masculines sans qu’aucun de ces genres ne me conviennent parfaitement. Il est vrai que cette idée est séduisante tant je déteste la catégorisation des êtres humains – où chacun doit entrer dans une case – cependant, je ne peux pas m’empêcher de penser à l’effet pervers que cela pourrait avoir. En effet, si je suis non-binaire, alors je ne suis plus une femme, ce faisant, je contribue à l’effacement des femmes. En décidant de ne plus en être, je me désolidarise d’un groupe qui a toujours manqué de solidarité. Je refuse de contribuer à la suppression des femmes qui laisse penser qu’elles n’ont jamais rien accompli et que pour réussir, il fallait être un homme même en 2021.
Je suis lesbienne
Et tellement fière de l’être. Je me sens pleinement épanouie. Le mot lesbienne en lui-même est magnifique. Je le crie à qui veut l’entendre et j’essaie d’être la meilleure version de moi-même en me fabricant une identité propre. C’est très enthousiasmant de vivre un tel changement finalement. Et ce n’est pas tout, je me fais un devoir d’être la plus visible possible. Quand je me promène dans la rue, je fais en sorte qu’on ne prenne pas ma femme pour une amie. Si une Grande Femme parvient à ne pas être supprimée de l’Histoire, soyez sûr que son lesbianisme, le cas échéant, sera caché, étouffé, camouflé. Seules celles, minoritaires, ayant vécu leurs amours saphiques au grand jour seront identifiées comme lesbiennes. Dans les autres cas, nous aurons droit à une formule en mode noyade de poisson : « elle partagera une longue et profonde amitié avec son amie de toujours », « elle vivra uniquement entourée de femmes »… On tourne autour du pot !
Les lesbiennes sont éliminées de l’Histoire avec encore plus de force que les femmes. Pour que leur nom compte elles devront se battre encore plus fort. Alors qu’elles sont innombrables à travers les siècles, je suis certaine que vous serez bien en peine d’en nommer au moins 3 qui ont contribué à l’Histoire. Il est déjà difficile de nommer 3 femmes célèbres, n’en demandons pas trop n’est-ce pas ? C’est bien là tout le problème. Même si la situation s’améliore et que l’on commence à nous voir, il me paraît indispensable d’être plus présente que jamais. Si les lesbiennes étaient plus visibles, je suis certaine que j’aurais compris que j’en étais à 20 ans plutôt qu’à 34. Ça en fait du temps perdu. Désormais, je tiens à cette identité et s’il y a une étiquette que je suis particulièrement honorée de porter, c’est bien celle de lesbienne.
Je ne suis pas queer
Littéralement, le mot queer signifie bizarre, étrange… Il était utilisé comme un couteau pour blesser les gens hors-normes. Il a fait beaucoup de mal. Alors tout ceux qui entraient dans cette catégorie ont choisi de le retourner à leur avantage. Ils se sont approprié le terme et s’en serve désormais comme une force, une communauté d’appartenance. C’est une forme de militantisme que je respecte. Néanmoins, il y a un petit quelque chose qui me dérange. Les lesbiennes qui se disent queer participent à notre effacement (pour ou contre leur gré je ne sais pas trop). Il a fallu tellement de temps pour que ce mot magnifique fasse surface. Il a fallu attendre 2018 pour que Google change son référencement et que le mot ne renvoie pas (ou plus autant) à du porno. La lesbienne mérite d’être réhabilitée, elle mérite d’exister en tant que telle. Aussi diverses soient leurs identités, les lesbiennes se doivent de rester présentes. Alors si demain je commence à me dire queer, je disparaît dans la masse, je nie ma particularité. Je suis une femme qui aime les femmes. Je ne veux pas être assimilée à d’autres orientations sexuelles. J’aime m’entourer de lesbiennes. J’aime discuter de ma vie amoureuse avec celles qui me comprendront mieux que n’importe quel hétéro, qui se sentent proches de moi, par leurs vécus, leurs sentiments, leurs expériences. J’aime la compagnie des femmes et j’aime par-dessus tout, la compagnie des lesbiennes. Je regrette cependant de ne pas en avoir plus dans mon entourage.
Il y a autre raison qui m’oblige à rejeter le terme de queer et qui fait que je ne pourrais jamais accepter de le porter. Sa signification. Je ne me suis jamais sentie aussi bien dans ma tête que depuis que je suis lesbienne. Ma relation avec ma femme, malgré quelques nuages, est un épanouissement continuel. Les relations que je noue dans le milieu sont de belles amitiés, pleines d’amour. En fait, alors que la fin du monde est proche, que les bars risquent de m’être interdits dans les prochaines semaines, je baigne désormais dans un océan de plénitude. Malgré toute la merde ambiante, mon lesbianisme me permet de garder le sourire intérieur qui m’est indispensable pour survivre. Toutes ces choses mises bout à bout, me permettent d’affirmer sans aucun doute possible que le lesbianisme est naturel peut-être plus que l’hétérosexualité. Je pense même qu’il était l’origine des rapports humains et qu’aux prémices de l’humanité les individus mâles vivaient loin des femelles. Ceci est un autre débat. Il résulte de ce point de vue, que j’assume pleinement, même s’il peut sembler radical, que des lesbiennes, par définition, ne peuvent pas être queer (étranges). Je suis sûre que dans les dimensions parallèles, ou le patriarcat n’existerait pas, toutes les femmes sont lesbiennes.
Voilà pourquoi Je suis une femme, lesbienne et que je ne suis ni queer, ni non binaire. Je suis un des visages de l’amour entre femme, je me sens belle, je me sens fière et libre. Je souhaite à toutes les femmes de se sentir aussi bien que moi.
Seshat.