Traduction de cette interview par Mélanie2F
Depuis plusieurs semaines, la députée verte [autrichienne] Faika El-Nagashi est fortement discréditée par des trans-activistes pour avoir mis en lumière la radicalisation de ce milieu. Un entretien sur la liberté d’expression, sur le rejet de la science et sur la question de savoir qui peut être aujourd’hui une « femme ».
Une biologiste boycottée par l’Université Humboldt de Berlin pour avoir voulu parler de genre lors d’une conférence. L’autrice de best-sellers J.K. Rowling recevant des menaces de mort pour avoir utilisé le mot « femmes ». Des lesbiennes attaquées à Brême au motif qu’elles considèrent que seules les femmes peuvent être lesbiennes. À Liverpool, le maire interdit les autocollants portant l’inscription « Women don’t have Penises » [ndlt : Les femmes n’ont pas de pénis]. Et à Vienne, Faika El-Nagashi, 45 ans, vient d’être agressée.
La députée verte est lesbienne, féministe, racisée et est depuis 25 ans une militante des droits de l’homme. Mais pour certains militants transgenres, cela ne compte pas. Sur la toile, El-Nagashi a été prise à partie parce qu’elle voulait débattre de la question de savoir s’il suffira aux hommes de s’auto-proclamer femmes pour avoir accès aux espaces réservés à celles-ci. Ce que prévoit bientôt la législation allemande.
Derrière la querelle au sein de la petite communauté se cachent des questions plus vastes : qu’est-ce qu’une femme ? Quand l’idéologie interfère-t-elle avec la science et la liberté d’expression ? Qu’en est-il des enfants qui veulent changer de sexe ? A quoi devraient ressembler des lois respectueuses du genre qui permettent aux personnes de changer de sexe. El-Nagashi remarque que quelque chose est en train de dégénérer et met en garde sa propre famille politique, mais aussi les jeunes militants, contre cette dérive sectaire et autoritaire.
Falter : Madame la députée, depuis quelques semaines, vous êtes massivement critiquée dans des tweets et des posts – et ce précisément par des personnes issues de votre milieu. Que s’est-il passé ?
Faika El-Nagashi : J’ai critiqué dans un tweet le terme Terf apparu sur une banderole lors d’une manifestation avec l’inscription « frappez les Terfs! » (*« Terf » signifie « Trans-Exclusionary Radical Feminist »)
El-Nagashi : Le mot est presque exclusivement utilisé contre les femmes qui s’expriment de manière critique dans le débat transgenre, parce qu’elles insistent par exemple pour être appelées « femmes » et non « personnes perçues comme femmes ». Terf est une insulte, une attaque. Et je pense que nous devrions mener le débat autrement.
Vous critiquez donc l’utilisation d’un langage violent et vous vous êtes fait attaquer d’emblée
El-Nagashi : C’est assez inhabituel : il devient acceptable, même dans « ma » communauté, d’insulter les femmes dans l’espace public dans le cadre de ce débat. Récemment, un petit groupe de femmes lesbiennes a été attaqué par d’autres activistes LGBT lors de la Dyke March [ndlt: Marche Lesbienne] de Cologne. Les femmes avaient protesté avec un drapeau lesbien pour leur autodétermination et contre le fait que des « personnes à pénis » puissent être lesbiennes. C’est pourquoi elles ont été taxées de haineuses. Le débat doit se calmer. Il y a un besoin de discussion.
Eh bien, allons-y. Comment a-t-elle commencé ?
El-Nagashi : Pour mes critiques, j’ai moi-même été traitée de transphobe et de terf. Certains activistes ont complètement sorti mes déclarations de leur contexte, une shitstorm a eu lieu sur Instagram et Twitter. Dans des messages, on m’a grandement conseillé de m’instruire. Une sorte d’avertissement. Apparemment, je me suis déjà rendue coupable de violation des limites admissibles du discours. Et c’est ainsi qu’a commencé un l’indignation générale.
Une mise au pilori publique et médiatique. Dans un tweet, on dit que vous êtes dans le « le pente glissante d’extrême droite » et que les Verts devraient s’occuper de vous.
El-Nagashi : Des trolls anonymes, mais aussi certains militants, cherchent à créer une spirale infernale sur le net et espèrent qu’en tant que femme politique, on se retira ou qu’on se fera abandonner par notre parti. Du genre : « Hé, Faika, réfléchis encore une fois à ce que tu as fait. Ne veux-tu pas revenir sur le bon chemin de la vertu » ? Mais je fais moi-même partie de la communauté LGBT depuis 25 ans. Je ne le fais pas à la légère, cela me tient à cœur. Je suis une militante féministe et antiraciste des droits de l’homme. Je suis aussi une femme lesbienne et une femme de couleur. Je parle en fonction de ma longue expérience politique.
Quelqu’un vous a écrit : « Trouve-toi un autre hobby ».
El-Nagashi : Quelle blague ! Mais l’intimidation des femmes qui s’expriment dans le débat trans est systématique. Alice Schwarzer, Bette Midler, Martina Navratilova, J.K. Rowling, Kathleen Stock, Macy Gray, Chimamanda Ngozi Adichie et récemment une jeune biologiste qui devait donner une conférence sur les genres à l’université Humboldt de Berlin : toutes doivent être discréditées. Et cela se fait en assimilant immédiatement leurs prises de parole à des mouvements fascistes, nationalistes, racistes, antisémites. On découvre aussi une sorte de « culpabilité au contact », c’est-à-dire que l’on est contaminée par la culpabilité de celui avec lequel on est en contact. Lorsque j’ai récemment organisé un échange sur le thème de « l’auto-identification », c’est-à-dire sur la question de savoir si le sexe doit pouvoir être librement choisi et sur les conséquences de ce choix, on m’a immédiatement reproché d’avoir une réflexion proche de celle d’Orbán et de Poutine. C’est absurde.
Essayons de dresser une image plus large. Quel est l’enjeu du débat ?
El-Nagashi : Il existe depuis des décennies dans les sciences sociales et humaines une approche déconstructiviste en ce qui concerne le thème du genre – et c’était extrêmement progressiste.
Les relations de pouvoir et les attributions ont enfin été remises en question et le sexe social et le sexe biologique ont été abordés.
El-Nagashi : C’est surtout la philosophe Judith Butler qui a marqué le discours pour nous. Beaucoup ont pu la suivre. Car « défaire » le sexe social, le repenser, c’était et c’est toujours passionnant. Nous avons commencé à discuter des rôles et des rapports de genre. Comment je m’habille, comment je me « présente », quel genre je « performe » ? Cette discussion s’est aussi beaucoup remplie de « queer ». Pour beaucoup de personnes lesbiennes, gays ou trans, cela faisait partie de la réalité de leur vie – moi y compris. Beaucoup d’entre nous ont vécu l’étroitesse des rôles de genre. J’ai souvent entendu : Tu ne ressembles pas à une femme. Et pourtant, j’en suis une. Nous voulions élargir la compréhension du genre (social).
Mais ensuite, le sexe biologique a également été « déconstruit ».
El-Nagashi : On a d’abord dit, en se référant aux personnes intersexes, qu’il y avait de nombreux sexes, pas seulement homme et femme. Et dans une étape suivante, il a été dit que l’on pouvait effectivement changer de sexe biologique – et ce uniquement par l’auto-identification. Donc par un acte de parole. C’est dans cet esprit que la loi allemande devrait être adoptée.
Un homme veut donc être une femme, s’habille en conséquence et veut désormais apparaître en tant que femme dans les documents officiels.
El-Nagashi : C’est exact. La philosophe féministe Kathleen Stock appelle cela une fiction qui est soutenue par la société afin de réduire le stress des personnes qui ressentent une « dysphorie de genre », c’est-à-dire un manque de correspondance entre leur identité de genre perçue et leur sexe biologique. Nous acceptons ton sentiment intérieur et te permettons de vivre en conséquence, sans traitement médical ni consultation psychologique, si tu veux changer d’état civil. Les gens peuvent donc décider eux-mêmes s’ils sont homme ou femme, ni l’un ni l’autre ou tout autre chose. En Allemagne, les documents pourront bientôt être modifiés en conséquence auprès de l’administration.
Qu’est-ce qui s’y oppose ?
El-Nagashi : Je m’intéresse avant tout aux espaces de protection qui sont séparés en fonction du sexe biologique. Les prisons pour femmes, les foyers pour femmes, les lieux ségrégués selon le sexe. Sauna, gymnase, hôpitaux, services de soins : Ici, les sexes sont séparés afin de protéger les femmes vulnérables. Et pour cette protection, il faut préserver contre les abus. Mais l’existence de ce besoin n’est pas si facilement acceptée. Un seul exemple : l’année dernière, il y a eu une « rencontre de printemps » de lesbiennes à Brême. Dans les médias sociaux, on leur a reproché d’être transphobes. Les accusations suivantes ont suivi : l’événement serait également antisémite et raciste. Impossible de se débarrasser de telles accusations.
Quelles ont été les conséquences ?
El-Nagashi : La ville a envisagé de retirer les subventions. Une situation similaire s’est produite il y a quelques années avec le Michigan au Womyn’s Music Festival [ndlt: Festival de Musique des Femmes]. Ce lieu, où des milliers de femmes et de lesbiennes pouvaient se réunir chaque année, a également été détruit par des accusations de transphobie. Comme les hommes biologiques n’étaient pas admis sur le site, le festival a été de plus en plus critiqué et attaqué par les activistes trans. Aujourd’hui, ce rassemblement n’existe plus. Pour certaines femmes, c’était les seules vacances qu’elles prenaient dans l’année. Un endroit où elles pouvaient se sentir en sécurité avec d’autres femmes. Beaucoup d’entre elles avaient subi des violences, beaucoup ne correspondaient pas à l’image conservatrice du genre féminin, certaines étaient aussi trans. Les attaques ont fait disparaître le festival pour toutes.
Mais apparemment, cela n’a pas du tout dérangé beaucoup de gens de gauche, pourquoi ?
El-Nagashi : Parce que le débat transgenre est devenu un champ de mines. Beaucoup n’arrivent tout simplement plus à suivre le contenu. La plupart des membres de la communauté LGBT ou de mon milieu politique veulent faire « ce qui est juste ». Et ils sont habitués à ce que les revendications issues de la scène activiste soient également « les bonnes ».
Vous avez écrit que le problème ne concerne pas seulement le « milieu », mais la société dans son ensemble. Pourquoi ?
El-Nagashi : Parce que la question de savoir comment nous définissons le sexe ou les genres entraîne des répercussions sur l’ensemble de la société. Et parce que nous détruisons des espaces de discussions, dans les universités, en politique et en ligne.
Les institutions cèdent à la pression parce qu’elles ne veulent pas être prises à parti ?
El-Nagashi : Parce que nous agissons selon le principe « la faute par association ». Qui s’entoure de qui ? Qui parle avec qui ? Cela devient plus important que l’argument de fond. A l’occasion de la sortie du documentaire sur Alice Schwarzer à Vienne, j’ai pu constater qu’il était devenu très difficile de trouver dans mon entourage politique des personnes prêtes à discuter de Schwarzer.
Elle est pratiquement considérée comme la chef de tous les « terfs ».
El-Nagashi : Je ne suis pas d’accord avec elle sur de très nombreux points. Mais je peux tout de même discuter de son travail et de son impact ou même avec elle. Toutefois, le deplatforming [ndlt : censurer et bannir une personne en supprimant son compte d’un réseau social] des personnes qui ne partagent pas le point de vue prédominant rend cela impossible. On peut nous reprocher de donner une « scène » à ces personnes. Je considère qu’il est absurde de ne plus écouter ces voix, de ne pas les laisser s’exprimer. Y compris pour les contredire ensuite. Mais c’est malheureusement un style qui s’est établi au sein de nombreux groupes de gauche ou progressistes.
Faut-il donc parler avec tout le monde ?
El-Nagashi : Non, on ne peut pas parler avec les nazis. On ne doit pas se mettre en scène avec des fascistes et des racistes. Cependant, où cela s’arrête-t-il ? Désormais, les féministes qui « font amies-amies avec des Terfs » sont également bannies ! Cette accusation d’être « transphobe » se fait alors par quelques tweets qui sont souvent partagés rapidement et sans réfléchir. Souvent, d’autres reproches viennent rapidement s’y ajouter, aussi infondés soient-ils. Les critiques sont émises par ceux qui se sentent dans leur droit parce qu’ils parlent au nom des « plus vulnérables ».
Tout ce que vous décrivez semble très sectaire.
El-Nagashi : C’est aussi le cas. Cela implique aussi un langage propre. Par exemple, on ne parle plus de « femmes », mais de « personnes perçues comme femmes ». Cette formulation est un non-sens. Je fais constamment l’expérience de ne pas être « perçues comme femme », et pourtant je suis une femme. Je ne délègue pas non plus la décision de savoir qui je suis à quelqu’un qui me perçoit d’une manière ou d’une autre. Cela part certainement d’une bonne intention, mais ne fait malheureusement que disparaître le mot « femme ». Et pour moi, rien que du point de vue de la politique des femmes, ce n’est pas progressiste. En médecine, la formulation « perçues comme femme » est encore plus difficile. Car il s’agit là de réalités et de différences biologiques. Il s’agit du fait que pendant très longtemps, seuls les hommes ont fait de la recherche sur les hommes avec des hommes, et c’est pourquoi les femmes subissent des désavantages, sont mal diagnostiquées et traitées ou ne disposent pas du tout de médicaments adaptés à leur cas. Pour changer cela, il faut avoir une vision globale des différences biologiques, y compris du statut hormonal et du bien-être psychique.
Ceux qui critiquent ces éléments se font descendre. J.K. Rowling reçoit des menaces de mort, ses livres sont brûlés.
El-Nagashi : Ses livres Harry Potter ont également eu une place importante auprès des lectrices queer. Grâce aux romans, il était possible d’entrer dans un monde magique. Rowling tient des propos très clairs pour les droits des femmes et des filles – et en même temps pour les droits des personnes trans. Toutefois, elle ne veut plus marcher sur des œufs et demande une discussion à tous les niveaux.
Mais les acteurs de Harry Potter se distancient aussi en partie d’elle. Pourquoi ?
El-Nagashi : Parce qu’une idéologie très puissante s’est inscrite dans la politique des droits de l’homme. De nombreux objectifs du mouvement gay et lesbien ont été atteints après de durs combats. Le débat sur la transsexualité est désormais considéré comme la question cruciale d’une attitude libérale et progressiste. Voyons brièvement où nous en sommes : Regardons à l’université Humboldt de Berlin. Une conférence sur la binarité biologique est un « discours de haine » et ne peut pas avoir lieu ? A Liverpool, un groupe de femmes a placé des autocollants dans l’espace public sur lesquels on pouvait lire : « Les femmes n’ont pas de pénis ». Le maire a fait appel à la police contre le « groupe haineux », car les autocollants n’avaient rien à faire dans une ville tolérante. Il y a régulièrement des rapports sur des délinquants sexuels masculins qui se déclarent femmes ou qui abusent d’une autre manière de l’auto-identification sexuelle. Nous devons aborder ce sujet. Je pense que de tels incidents causent également d’immenses dommages à la communauté trans. Ils vivent beaucoup de discrimination, de diffamation et d’exclusion. C’est réel. Il faut bien sûr une protection juridique et sociale contre cela. Mais nous ne pouvons pas ignorer les champs de tension et les conflits d’intérêts qui accompagnent un changement de modèle tel que l’auto-identification sexuelle.
La révolution du genre : une nouvelle religion ?
El-Nagashi : Il y a une dynamique très particulière dans la manière dont les activistes traitent les critiques et les objections. Il y a quelque chose de religieux, avec ses propres rituels et son propre langage, avec ses gardiens de la foi et sa liturgie. Il y a la possibilité de se repentir et de se convertir.
Pour terminer, parlons des jeunes, qui sont également concernés par ce débat. Voyez-vous un problème ?
El-Nagashi : Le problème est que ces dernières années, de nouveaux phénomènes sont observables chez les jeunes, comme la « Rapid Onset Gender Dysphorie » [ndlt : Dysphorie de genre à apparition rapide], c’est-à-dire que les enfants veulent soudainement changer leur identité sexuelle. Mais dans quel contexte cela se produit-il ? Les adolescents cherchent leur identité de genre, leur sexualité, leur expression de genre, leurs perspectives d’avenirs et ce à une époque marquée par de grands changements. Il faut des espaces pour les jeunes afin qu’ils puissent se trouver et faire des essais. De nombreux jeunes gays et lesbiennes se débattent également avec leur identité de genre.
La nouvelle génération ne se conforme souvent pas/plus aux rôles de genre attendus dans leur famille ou leur environnement.
El-Nagashi : Ces dernières années, il s’est établi dans les pays à législation progressiste de prescrire assez rapidement des hormones. Elles ont longtemps été considérées comme inoffensives ou leurs effets réversibles. Entre-temps, en Suède et en Grande-Bretagne, l’accès à cette pratique a toutefois été complètement revu. Les traitements hormonaux et les interventions chirurgicales irréversibles, -l’ablation des seins ou du pénis- doivent rester l’ultima ratio à l’adolescence. La « transition » n’est pas la bonne voie pour tous les enfants et adolescents qui souffrent d’un monde patriarcal, hétéronormatif et binaire. Aux États-Unis, des rapports indiquent que des jeunes se voient prescrire des hormones en l’espace d’une demi-heure et après avoir rempli un bref questionnaire. C’est là que le Big Pharma exploite les préoccupations des défenseurs des droits de l’homme. Les jeunes trans ont besoin de plus que des hormones, ils ont besoin d’un accompagnement et d’un soutien dans cette phase très vulnérable.
Lors d’un précédent entretien, vous avez souligné que vous ne vous exprimeriez pas ici en tant que politicienne Verte, mais en tant que militante des droits de l’homme. Pourquoi est-ce important pour vous ?
El-Nagashi : Parce que la position des Verts doit encore être trouvée. Je ne parle pas non plus au nom des Verts sur ce sujet. Je suis porte-parole pour l’intégration. Mais je suis aussi une personne politique en dehors du parti.
Avez-vous peur ?
El-Nagashi : Non, mais beaucoup risquent effectivement leur position, leur emploi, leur sécurité en discutant publiquement de ce sujet. L’adresse de J.K. Rowling a récemment été publiée sur Internet, accompagnée d’une photo d’une bombe artisanale ; la philosophe Kathleen Stock a écrit un livre sur le sujet et a été chassée de son poste de professeur à l’université de Sussex. De nombreuses féministes, surtout les plus âgées, me disent qu’elles n’osent même pas s’exprimer. Pourtant, elles se sont battues pour obtenir de nombreuses possibilités et libertés actuelles. Les déclarations publiques sont alors une sorte de coming-out. J’ai fait mon premier coming out à 19 ans en tant que femme lesbienne. Puis j’ai fait un deuxième coming-out plus tard, lorsque je me suis penchée sur ma biographie d’immigrée et que je me suis identifiée comme femme racisée. Maintenant, je pense qu’il est temps de parler ouvertement des zones de tension dans le débat sur la transsexualité. Même si cela implique un autre coming-out.
Que pensez-vous qu’il va se passer maintenant ?
El-Nagashi : Je ne suis pas sûre. Je ne veux pas être mal comprise. Je suis très impliquée dans les communautés. Il me tient à cœur de désamorcer les conflits et de construire des passerelles. Pour moi, il n’est pas progressiste que les femmes disparaissent sur le plan linguistique, en tant que classe politique, en tant que catégorie analytique et dans leurs réalités vécues. Ou que des enfants et des jeunes, dont beaucoup de gays et lesbiennes, soient sous médicaments. Et enfin, il s’agit de notre attitude face à la dissonance entre société et science. De nombreux activistes portent les positions idéologiques dans la politique, dans les médias, ils dominent les médias sociaux, les universités. Il en résulte un certain malaise à être en contradiction. Cela nous affecte.
Finalement beaucoup de jeunes ne souhaitent qu’être considérés.
El-Nagashi : Beaucoup nourrissent le désir d’être gentils, d’être prévenants, de ne pas faire de discrimination. Tout cela est juste. Mais il n’est pas non plus faux d’attirer l’attention sur les différences et de les reconnaître. Et d’exclure parfois quelqu’un d’un espace, ce n’est pas de la discrimination.
Faika El-Nagashi, 45 ans, Politologue et députée des Verts au parlement national autrichien et porte-parole de son parti pour l’intégration. Elle est une militante des droits humains et est impliquée dans la communauté LGBT viennoise.